Voici un texte dont la spécificité ne permettra pas qu’il soit proposé dans le cadre d’un autre concours d’écriture. Je le publie donc ici, il s’agissait d’écrire un texte autour de la phrase « faut que t’aimes le monde sur la brosse ».
Y a pas à tortiller, faut que
t’aimes le monde sur la brosse. C’est ça ou crève. Le monde sur la brosse, t’as
pas encore pigé ? C’est toi sur un poil, c’est nous à poil pris comme des
cons dans la frénésie du monde.
Qui frotte qui frotte nous tanne la
peau nous tire les oreilles.
La frénésie sauvage et toi t’es là,
tu m’dis qu’y a un nœud et tu te roules en boule. Faut pas t’rouler en boule,
non, faut pas, faut que tu te redresses, dans le sens du poil, que tu montres
ton nez, fais dépasser ta tête, faut accepter le monde-brosse et la
brosse-monde comme un mille-feuilles savoureux qui aurait mal tourné.
Quoi ? tu préfères les
mille-feuilles bien tournés, tu peux aller te brosser alors, car entre les
poils morts, le bois mort, les peluches et les peaux mortes, y a pas
grand-chose qui survive – faut te raccrocher, oui, faire une corde, te faire
fakir et danser d’un pied léger sur la pointe du poil qui t’a déjà
écorché ; ça gratte, c’est pour ça qu’on brosse. Tu dis qu’il y a trop de
monde entre les interstices ? Que c’est plein à craquer entre les poils,
que ça surchauffe, racornis-toi alors comme une peau sèche, effrite-toi comme
un crâne pas propre, tortille-toi comme un cheveu cassé, fais-toi petit petit,
laisse respirer les autres – et pense out
of the brosse.
La brosse-monde : c’est le
piège, regarde bien entre les poils, tu la vois la forêt ? La forêt de
brosses comme la tienne comme la nôtre ? Oui ? Mais entre les
brosses ? Tu vois quoi ? De l’air, oui mais fais gaffe, c’est de
l’air qui veut qu’on lui foute la paix, de l’air va t’brosser, de l’air pour
les bestiaux moins bêtes que toi et surtout moins cruels. De l’air. J’te dis pas
ça pour que t’ailles mettre tes poils partout. J’te dis ça pour que t’aimes le
monde sur la brosse. La brosse-monde c’est le piège, mais c’est ton piège.
Alors bichonne, pouponne, soigne, materne, paterne, nourrit, lustre, nettoie,
savonne. C’est ton jardin de poils, ton cloaque et ton paradis : adoucit
et susurre. Murmure la berceuse du velours trop lustré, la comptine du bureau
brosse à reluire, la cantate des mal brossés. Secoue en rythme tes certitudes
et tes réflexes, allez, une deux plie les genoux, secoue tes angoisses et tes
névroses, frotte, brosse, démêle, lisse et désarticule. Il sera toujours temps
de couper.